Au Burkina Faso, le mouvement citoyen FEMIN-IN gère une clinique juridique afin de faciliter l’accès à la justice aux femmes victimes de violences et leur propose un accompagnement psychologique adapté. Dans un pays ou les violences conjugales ne sont pas criminalisées, les femmes victimes ne se tournent pas, ou peu, vers la justice et portent rarement plainte.
Le poids écrasant des normes sociales genrées
Les normes sociales justifient le recours à la violence domestique contre les femmes. L’acceptation sociale de pratiques telles que les injures ou les coups est liée aux croyances selon lesquelles le mari a droit de vie et de mort sur sa femme. A l’inverse, voir une femme recourir à la violence envers son partenaire est inacceptable et la violence domestique n’est admise que lorsqu’elle est perpétrée par le mari. L’omniprésence des violences domestiques (4 femmes sur 10 en seraient victimes selon les dernières enquêtes de l’OCDE) tient à son acceptation sociale.
Un tiers de la population déclare qu’un homme a le droit battre sa femme pour une raison ou une autre, et cette opinion est autant partagée par les hommes que par les femmes. Le recours à la violence semble cristalliser l’acceptation de la domination des hommes sur leurs femmes. L’acceptation de la violence physique entre les époux est unilatérale : seulement 4 % des Burkinabè déclarent que la femme peut battre son mari pour une raison ou une autre. La majorité de la population ne saurait considérer un homme qui bat sa femme comme un mauvais mari.
Un accès à la justice impossible ?
La stigmatisation empêche les victimes de chercher de l’aide : seules 41 % des victimes féminines de violences domestiques ont cherché de l’aide ou en ont parlé à quelqu’un. Les femmes se tournent plus facilement vers leurs familles ou celles de leur mari. Mais le recours aux institutions publiques (police, personnel de santé ou services sociaux) ou aux chefs religieux est quasi inexistant. La honte et la peur d’entacher la réputation de la famille expliquent le secret gardé par les victimes. Dans le cas de viols ou d’agressions sexuelles, le sentiment de culpabilité des victimes fait écho à un double standard largement répandu au Burkina Faso, comme ailleurs : les femmes, dont la sexualité doit être contrôlée, se voient reprocher le fait de s’être exposées aux désirs sexuels masculins.
La crainte de la sanction sociale pour la victime amène les proches, mis dans la confidence, à taire ce qu’il s’est passé. Dans les cas où le viol entraîne des conséquences visibles, comme une grossesse, les arrangements familiaux sont monnaie courante, permettant de conserver la respectabilité individuelle et collective des personnes concernées. La victime se retrouve prise en étau entre sa souffrance et la pression familiale qui la pousse à accepter un arrangement qui la condamne à garder le silence. Dans le cas où les victimes se décident pourtant à saisir les institutions compétentes, elles essuient parfois un rejet de leur plainte ou voient leur procédure ne pas aboutir.
FEMIN-IN et sa clinique juridique : lieu de réparation et d’émancipation
Dans les régions du Nord et des Cascades, FEMIN-IN emploie tous ses efforts à améliorer l’accessibilité et la qualité de l’aide juridique et des services d’aide aux victimes pour les femmes. L’association informe la population sur les procédures existantes et propose un accueil inconditionnel dans sa clinique juridique. FEMIN-IN organise des programmes de formation à l’accueil des femmes victimes de violences et à la gestion des cas à toutes les personnes qui interviennent sur la chaîne pénale. Pour compléter ces formations, l’association met à disposition un protocole clair et adapté pour s’assurer du respect des principes de la gestion et prise en charge des cas de violences.
Pour FEMIN-IN « L’accès à la justice est un outil puissant pour lutter contre la discrimination, pour faire respecter les droits et transformer des vies. Pourtant, partout dans le monde, des femmes et des jeunes filles n’ont pas accès à la justice qui leur est due, en particulier en raison de leur âge, de leur statut matrimonial, de leur handicap, de leur ethnie ou de leur situation économique. Les femmes ne savent pas qu’elles ont des droits et qu’elles peuvent réclamer justice lorsque leurs droits sont bafoués et qu’elles peuvent bénéficier de l’aide judiciaire sous certaines conditions. »