Maroc : promouvoir l’égalité dans les villages les plus reculés grâce à des caravanes itinérantes

Toute l’année, les caravanes de la fondation YTTO pour l’hébergement et la réhabilitation des femmes victimes de violence sillonnent les villages marocains les plus isolés. A la rencontre des communautés, des femmes et des filles, la fondation sensibilise aux violences et aux discriminations basées sur le genre pour les éradiquer définitivement. 

Avec le soutien de Féministe en Action, la fondation Ytto visite des associations et des réseaux créés dans les villages grâce aux précédents passages des caravanes. Avec comme boussole la défense des droits des femmes et des filles, l’objectif derrière ces caravanes est la mobilisation des communautés pour qu’elles soient elles-mêmes actrices des changements de comportements, d’habitudes, vers plus d’égalité.

Intervention de l’équipe de la Fondation Ytto dans un village au Maroc en 2015. Crédit : Fondation Ytto

Sillonner les routes pour rencontrer les communautés dans les régions reculées 

« L’association a été créée en mai 2004, elle a fait le choix d’effectuer le travail de terrain et d’aller vers les femmes là où elles sont. Ce travail de terrain se fait à travers les caravanes qui sillonnent les régions du Maroc. Nous en sommes à la vingtième caravane sociale. Avec le tremblement de terre nous sommes lancées dans une sorte de caravane permanente. Les femmes vivent un calvaire et des situations très difficiles. » Najat Ikhich, présidente de la Fondation Ytto . 

Tous les sujets sont abordés pour garantir une égalité effective entre les femmes et les hommes : les droits liés à la santé, l’éducation et le renforcement du statut juridique et économique des femmes. Toutes les activités et les événements qui sont organisés découlent de la formulation des priorités locales et régionale. Ces priorités se basent sur le vécu des femmes et des filles et les attentes des populations. La fondation concentre notamment son travail sur la lutte contre les mariages forcés des filles et empêcher leur déscolarisation. 

Au total, ce sont 300 femmes et jeunes filles impliquées dans les réseaux et dans les associations qui ont elles-mêmes pour mission de sensibiliser près de 25 000 femmes et filles dans les villages des régions de Imilchil, du Rif, Azilal, Ouarzazate, Zagora, Tata, Sidi Ifni et Taraudante.

Zoom sur la banalisation des violences conjugales 
Selon une récente enquête nationale, 52% des Marocaines déclarent avoir été victimes de violences conjugales. Les violences sont normalisées et acceptées : 31% des hommes et 27% des femmes affirment que le partenaire a le droit de punir sa conjointe lorsque ce dernier estime qu’elle a commis une faute. De plus, ce qu’il se passe dans le couple ou dans la famille, y compris les violences, est largement envisagé comme privé. Conséquence, seulement 8% des femmes vont porter plainte auprès des services compétents quand 38% d’entre elles déclarent supporter les violences au nom de la stabilité familiale.

Les conséquences du tremblement de terre : agir dans des villages détruits 

Les équipes de la Fondation Ytto était en pleine tournée quand le séisme à frappé la région de Marrakech, Najat Ikhich, présidente de l’association témoigne* : 

« Quand nous étions en caravane, le tremblement de terre a frappé la région, nous avons vécu la situation avec les populations et nous avons décidé de continuer malgré les répliques permanentes du tremblement de terre. Nous avons décidé de continuer le travail d’observation et de donner la parole aux femmes pour détecter les besoins et les écouter. Elles avaient besoin d’une sorte de thérapie de groupe, elles avaient besoin de parler. Nous sommes revenues une semaine après sur place pour mieux comprendre les besoins.

40 villages ont été complètement détruits, la situation était catastrophique. Il a fallu mettre en place les structures nécessaires pour protéger les femmes et les filles. Comme souvent après les catastrophes, des réseaux se mettent en place comme des trafics de nourriture ou d’enfants et de filles pour les marier de force. Les petits garçons quant à eux sont visés par les intégristes pour les envoyer dans les écoles coraniques.

Au départ nous avions installé des tentes face à l’urgence mais une tempête les a emportés alors nous avons changé de stratégie pour installer des mobil-homes qui sont plus sécurisés, fermés à clés et dans lesquelles il y a des toilettes, ce qui est une grande préoccupation pour les femmes.

Le tremblement a affecté le travail de nos équipes, notre travail est surtout d’aider les femmes et les filles sinistrées sans oublier notre rôle d’observatoire et de plaidoyer. Nous portons une grande attention sur comment les fonds sont affectés pour la reconstruction et que les femmes en bénéficient aussi. Nous négocions pour que ce soit le cas. » 

*Ces propos ont été recueillis dans le cadre d’un webinaire organisé par le Fonds pour les Femmes en Méditerranée, Les organisations de femmes face aux catastrophes naturelles.