Les militantes féministes en action : une mission à Paris et à Bruxelles pour faire entendre leurs voix

Du 22 au 26 avril 2024, une délégation de sept militantes, représentantes d’organisations soutenues par le Projet Féministes en Action, a fait le déplacement jusqu’à Paris et Bruxelles pour témoigner des réalités vécues par les femmes de leurs pays. Activistes engagées en République Démocratique du Congo, en Equateur, au Burkina Faso, au Bénin, à Madagascar, au Tchad et au Maroc, elles ont été reçues tour à tour à l’Elysée, au Ministère français de l’Europe des Affaires Étrangères, à l’Assemblée Nationale, au siège de l’Agence française de Développement, à celui de l’Union européenne à Bruxelles ainsi que par de nombreux médias.

Photo de la délégation à Paris. Crédit : Juliette Dupuis Carle

Une délégation à l’intersection des combats féministes

Ces sept femmes dénoncent en chœur le scandale des inégalités de genre, quelque soit leur forme et le lieu où elles se produisent. Des voix où perce parfois une colère contenue mais qui, toutes, expriment la conviction que l’engagement féministe et la puissance de la sororité peuvent faire bouger les lignes.

C’est la voix de Constanza Jauregui, la fondatrice de l’association équatorienne Las Hijas de Pandora (« Les filles de Pandora ») qui explique comment son organisation s’efforce de soutenir les survivantes de violences sexuelles en leur fournissant un soutien psychologique et juridique. Celle de Yolande Via, la présidente de l’organisation malgache FPFE, qui plaide pour la participation des femmes à la vie sociale, économique et politique.

Celle de Bénédicta Aloakinnou, de la Fondation des Jeunes Amazones pour le Développement au Bénin, qui démontre combien il est important de s’attaquer aux stéréotypes de genre et de protéger les femmes contre les nouvelles formes de violences comme le cyberharcèlement. La voix de Gratias Kibanja Lukoo, coordinatrice de l’association WAHDI, basée à l’Est de la République Démocratique du Congo, qui rappelle que l’émancipation des femmes et des filles passe par l’accès à l’éducation, en écho à celle de Catherine Djimet, représentante de l’association CIFDES du Tchad, qui insiste sur l’importance pour les femmes d’être indépendantes économiquement pour garantir leur autonomie.

C’est aussi la voix de Najat Ikhich, vétérante de la cause des femmes au Maroc, qui raconte comment la Fondation Ytto qu’elle préside, sillonne le pays grâce à ses « caravanes des femmes pour l’égalité » jusque dans les régions les plus reculées. Et c’est la voix de Zita Désirée Belem qui se bat au Burkina Faso pour la reconnaissance des droits des femmes en situation de handicap et l’inclusion de toutes les personnes non-valides.

Mais ce combat pour un monde où les droits et libertés des femmes et des minorités de genre seraient véritablement respectés est loin d’être sans danger pour celles qui s’y engagent. 

Les féministes des pays des Suds confrontées à la violence des mouvements anti-droits

Les obstacles que les organisations féministes rencontrent au quotidien sont d’ordre systémique. Au manque de moyens financiers – dont souffrent particulièrement les plus petites OSC – s’ajoute le « backlash », ce retour du bâton en réaction aux avancées féministes. Les militantes doivent faire face aux stéréotypes sexistes et aux violences de genre prégnantes, à des degrés divers, dans la plupart des sociétés. Ces projections culturelles et sociologiques ont des conséquences bien réelles pour les femmes, car, renvoyées à leur foyer et considérées comme « incapables », elles sont les cibles d’une violence multiforme. 

Cette tendance actuelle s’aggrave au fur et à mesure que s’affirme la capacité des mouvements anti-droits et d’extrême droite à s’approprier les espaces politiques. Disposant de ressources financières et de capacités d’influence infiniment supérieures à celles des associations féministes, ces mouvances réactionnaires organisent des campagnes d’intimidation et n’hésitent pas à recourir aux menaces et à la violence pour arriver à leur fin. 

Un cri d’alerte des militantes de terrain suite aux coupes budgétaires dans l’aide publique française au développement

Face à l’offensive des mouvements qui remettent en cause le droit des femmes, la France se distingue comme une actrice de premier plan, notamment grâce à la promotion de sa diplomatie féministe. Cependant, les coupes budgétaires dans l’aide publique au développement annoncées récemment font peser de lourdes inquiétudes sur la poursuite du soutien français aux initiatives des militantes féministes. Au cours de cette semaine de plaidoyer, les sept militantes se sont faites porte-parole de milliers de femmes mobilisées à travers le monde pour rappeler à la France l’importance de ses engagements. 

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La France encouragée à entendre les besoins des organisations féministes à travers le monde

Dans les échanges qu’elles ont pu avoir avec les représentant.es de la Présidence, de l’Assemblée nationale, du MEAE ou de l’AFD, les membres de la délégation ont insisté sur la nécessité pour les organisations féministes de compter sur un soutien durable de la France, à la hauteur des enjeux et des besoins réels. La pérennisation des financements est indispensable pour des organisations qui ont cruellement besoin de stabilité financière pour maintenir et développer leurs actions sur le terrain. Un meilleur accès aux financements internationaux pour les OSC féministes passe également par l’allègement des procédures administratives et de redevabilité financière.  

Les membres de la délégation ont également incité la France à soutenir les militantes féministes dans les espaces de décision internationaux. Les féministes francophones, notamment africaines, peinent souvent à se faire entendre dans les enceintes internationales où l’anglais règne en maître. Elles comptent sur la France pour les soutenir dans leur revendication d’une « justice linguistique ». 

A l’occasion de ces échanges avec les autorités politiques et dans le cadre des entretiens qu’elles ont eu avec les médias, les militantes ont enfin insisté sur la nécessité de prêter attention à la sécurité des activistes féministes et de mobiliser des moyens pour assurer leur protection, comme des fonds d’urgence pour faire face à des situations de danger. 

Constanza, Yolande, Bénédicta, Gratias, Catherine, Najat et Désirée sont reparties avec le sentiment d’avoir bénéficié d’une écoute attentive de la part de leurs interlocuteurs et interlocutrices. Leurs témoignages, leurs arguments étayés, leur puissance de conviction, ont suscité un intérêt indéniable. Les Féministes des Suds comptent sur l’engagement de la France à leurs côtés, qui doit se traduire par des actions concrètes. Puissent leurs voix avoir été entendues !